Le gouvernement Fillon vient d’annoncer la suppression des dispositifs Scellier et Bouvard dès le 31/12/2012 dans le cadre d’un nouveau plan anti déficit… alors qu’il était prévu dans le projet de loi de finance 2012 de les prolonger jusqu’en 2015 en diminuant significativement le taux des réduction d’impôts.
L’objectif affiché est de limiter le coût fiscal de ces dispositifs de défiscalisation, de façon à rassurer les marchés financiers, et surtout les agences de notation pour qu’elles ne remettent pas en cause le triple A.
Ce second plan de rigueur d’urgence est très probablement nécessaire dans un environnement politique et économique très complexe, mais on peut s’interroger sur l’effet contreproductif de la suppression des dispositifs d’incitations fiscales Scellier et Bouvard.
Défiscalisation Scellier – coût ou gain fiscal pour l’Etat ?
La loi Scellier permet de bénéficier d’une réduction d’impôts de 22% du montant de l’investissement immobilier dans la limite de 300 000 €.
Le coût fiscal brut pour l’Etat est donc au maximum de 66 000 €, échelonné sur 9 ans.
Mais en réalité, l’Etat récupère immédiatement 19,6% de TVA, soit 58 800 €, mais également une augmentation certaine du revenu imposable des investisseurs, sur lequel s’appliquera l’impôt sur le revenu mais également les prélèvements sociaux.
Les collectivités locales profitent des droits de mutation payés par l’acquéreur, ce qui représente pour un budget de 300 000 € d’investissement, environ 3000 € par logement, ainsi que des taxes foncières nouvelles, qui constituent une hausse récurrente des rentrées fiscales.
A ces recettes immédiates, il ne faut pas oublier toutes les recettes indirectes :
– Impôts sur les sociétés pour l’ensemble des intervenants
promotion immobilière / architecte / constructeurs, artisans et entreprises générales du bâtiment / fourniture de matériaux / notaires / banquiers /cabinet d’audit et de contrôle / commercialisateur
– Charges patronales et charges sociales sur l’ensemble des revenus distribués pour les nombreux emplois directs et indirects liés la création de nouveaux logements
L’investissement immobilier Scellier – un réel moteur économique
Le nombre d’emplois concernés est difficile à déterminer, mais la FPI (fédération des promoteurs immobiliers) estime qu’un logement neuf génère 1,5 emplois directs.
En 2010, ce sont près de 310 000 logements neufs qui ont été mis en chantier, ce qui représente 465 000 emplois directs.
Le dispositif Scellier, et avant lui, les lois Robien, Besson et Perissol, ont toujours soutenu l’activité de promotion immobilière, en représentant entre 50% et 60% des ventes.
Cela représente donc pour 2010 près de 170 000 logements, et 255 000 emplois directs.
Supprimer tout type de dispositif de réduction d’impôts, aura pour conséquence de réduire de moitié l’activité de la promotion immobilière, et par voie de conséquence, les emplois dans ce secteur !
L’impact sur les recettes fiscales sera alors lourd pour l’Etat et les collectivités locales.
Le coût fiscal et l’impact budgétaire liés aux nombreuses suppressions d’emploi sera également très fort : baisse des cotisations perçues, hausse des prestations versées, aggravation des déséquilibres des régimes de prévoyance chômage et retraite, etc…
Scellier : impact sur les prix de l’immobilier et le marché locatif
Enfin, depuis plus de 20 ans, on estime en France le besoin de production de nouveau logements à près de 500 000 par an.
Nous n’avons jamais atteint cette performance, ce qui explique en partie les tensions sur les prix de l’immobilier et sur les loyers.
Dans une économie de marché, si la demande est supérieure à l’offre, cela génère des tensions sur les prix – l’immobilier n’échappe pas à cette règle.
Pour ce qui est des loyers pratiqués, on entend trop souvent que le Scellier a participé à la hausse des loyers du fait de plafonds de loyers légaux trop élevés.
Mais en réalité, un logement « scellier » qui affiche un loyer supérieur au marché ne se loue pas !
En revanche, une production immobilière soutenue par le dispositif Scellier, permet d’étoffer l’offre de logements de qualité disponible à la location, et donc de tempérer la hausse des loyers, notamment pour les villes qui « subissent » un afflux régulier de nouveaux ménages comme c’est le cas pour Lyon, Grenoble, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, et bien d’autres encore.
Vous l’aurez compris, la décision de supprimer le dispositif Scellier me semble une très mauvaise nouvelle, et pas seulement pour les promoteurs ou les commercialisateurs.
C’est également une mauvaise nouvelle
– pour les investisseurs qui profitaient de ce dispositif pour se constituer un patrimoine et préparer leur retraite,
– pour les locataires qui profitaient d’un renouvellement du parc locatif privé avec des performances et du confort en constante amélioration
– pour le niveau des loyers pratiqués
– pour l’Etat qui en réalité va perdre beaucoup plus d’argent qu’il ne va en économiser,
– pour la France dont la croissance sera forcément impactée par une forte baisse d’activité de l’ensemble des acteurs de ce secteur
– et donc pour le gouvernement ou les suivants qui subiront l’effet boomerang pour l’équilibre de leurs prochains budgets
Il aurait donc été préférable de conserver le projet de septembre, avec une réduction d’impôts revue à 14%, qui aurait été suffisante pour réduire le coût fiscal tout en maintenant l’attractivité du dispositif, pour soutenir l’investissement et la création de logements neufs.
Gérald Branche